AIMER OU RÉCITER DES PRIÈRES ?
AIMER OU RÉCITER DES PRIÈRES ?
Vendredi 21 mars 2025/
Semaine 12 : Amour et justice : les deux plus grands
commandements
Thème
général : L'amour et la justice de Dieu
Texte à méditer : " Petits
enfants, n’aimons pas en paroles et avec la langue, mais en actions et en
vérité " (1 Jean 3:17-18).
Qui est mon prochain ? (Luc 10:29).
Dans l’évangile de Luc, après que
Jésus eut résumé toute la Loi dans deux commandements — aimer Dieu de tout son
cœur et aimer son prochain comme soi-même — un docteur de la loi, « voulant se
justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? » (Luc 10:29). En réponse, Jésus raconta une parabole désormais
familière, mais profondément provocante à l’époque : celle du Bon
Samaritain.
Cette parabole, qui met en scène un
homme attaqué par des brigands et laissé à demi mort sur la route de Jérusalem
à Jéricho, dénonce frontalement une religiosité dénuée
de compassion.
Le récit mentionne d’abord deux
figures emblématiques de la vie religieuse juive : un sacrificateur, puis un
lévite. Tous deux voient l’homme blessé, mais passent outre, de l’autre côté de
la route.
L’histoire du Bon Samaritain, racontée par Jésus (Luc 10:25-37), a très
certainement profondément choqué les Juifs de son époque. Une fracture théologique majeure séparait
ces derniers des Samaritains. Chacun possédait sa propre version de la Torah,
mais la divergence la plus marquée portait sur l’emplacement du sanctuaire :
les Juifs vénéraient Dieu dans le temple de Jérusalem, sur le mont Sion, tandis
que les Samaritains avaient bâti le leur sur le mont Garizim. Une animosité profonde en résultait, au point que les Juifs méprisaient ouvertement
les Samaritains, allant jusqu’à les affubler de noms injurieux. Dès lors, que
Jésus présente un
Samaritain comme un modèle de bonté et de compassion relevait d’un véritable
scandale.
Cette parabole, aussi courte que percutante,
s’inscrit dans la continuité du cri des prophètes pour la justice et la
miséricorde. Elle résonne comme une dénonciation des barrières que
l’humanité a érigées — culturelles, ethniques, sociales ou religieuses — pour
justifier l’indifférence à l’égard de l’autre, surtout lorsqu’il est
blessé, démuni ou marginalisé.
Jésus n’est pas venu seulement
enseigner la justice : Il est venu l’incarner. À la lumière d’Ésaïe 61:1-2,
qu’Il cite dans la synagogue de Nazareth (Luc 4:16-21), Jésus se présente comme
Celui qui vient
libérer les captifs, guérir les cœurs brisés, et proclamer une année de grâce. Il est
l’accomplissement des attentes messianiques, le « désir de toutes les nations
», Celui vers qui se tournent les peuples opprimés dans l’espérance d’un monde
restauré.
À l’opposé de l’ennemi, qui cherche
à dominer et à usurper l’autorité divine, Jésus s’est abaissé volontairement. Il a assumé notre
condition, Il s’est identifié aux opprimés, sans jamais céder au péché. Par
l’offrande de Lui-même, Il a vaincu le mal dans l’amour, établissant ainsi une
justice durable — Lui, le Juste, devenant le Justificateur de ceux qui croient.
L’attitude du sacrificateur et du
lévite ne relève pas uniquement d’un simple manque d’attention ou d’empathie : elle s’ancre dans une conception rigide des
lois de pureté rituelle. En vertu des prescriptions lévitiques (cf. Lévitique
21:1-3 ; Nombres 19:11-13), toucher un cadavre, ou même s’approcher d’un homme
qu’on suppose mort, rend impur pour
le service au Temple.
Ces hommes religieux, probablement en route vers Jérusalem pour accomplir leur
ministère, ont donc peut-être estimé qu’ils ne pouvaient prendre le risque de
se rendre impurs - même pour secourir une vie humaine.
Mais c’est précisément cette
tension que Jésus met en lumière : quel est le véritable sens de la Loi ? Peut-on se dire fidèle à
Dieu tout en ignorant la souffrance humaine sous prétexte de conserver une
pureté rituelle ? Le sacrificateur et le lévite, censés incarner la sainteté, la proximité avec Dieu
et le service du sanctuaire, se révèlent incapables de manifester la
justice et la miséricorde que Dieu attend de son peuple.
À l’opposé, c’est un Samaritain - figure honnie et méprisée par les
Juifs, considéré comme hérétique et impur - qui incarne la compassion véritable. Sans se soucier des
barrières ethniques ou religieuses, il s’approche, prend soin de l’homme
blessé, panse ses plaies et assure son rétablissement. Il accomplit ainsi la
justice de Dieu, non par un discours,
mais par un acte concret d’amour.
Cette parabole fait écho à l’appel
pressant des prophètes, qui dénonçaient déjà une religion formaliste, vidée de
son cœur, c’est-à-dire de la justice, de la miséricorde et de la fidélité (voir
Michée 6:6-8 ; Osée 6:6 ; Ésaïe 1:11-17). Jésus, en racontant cette histoire,
ne remet pas seulement en question une attitude personnelle : Il déconstruit un système
religieux où la forme a pris le pas sur le fond, où l’obsession de la
pureté rend aveugle à l’amour du prochain.
Or, Jésus n’est pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir
dans sa plénitude (Matthieu 5:17). Et cet accomplissement passe par une réorientation radicale du
regard : la vraie pureté, selon
Dieu, ne consiste pas à éviter la souillure extérieure, mais à manifester un cœur pur, compatissant, aimant — un cœur semblable au sien. Dès lors, comment
pourrions-nous affirmer aimer la loi que Christ est venu honorer et défendre,
tout en restant insensibles à ce qu’Il appelle « les choses les plus importantes
dans la loi »
(voir Matthieu 23:23) : la justice, la miséricorde et la fidélité ?
Le psalmiste nous rappelle que «
L’Éternel est un refuge pour l’opprimé, un refuge au temps de la
détresse » (Psaume 9:9). Et le psaume 146 nous brosse le
portrait d’un Dieu profondément engagé : « Il fait droit aux opprimés, Il donne
du pain aux affamés [...], Il protège l’étranger, Il soutient l’orphelin et la
veuve, mais Il renverse la voie des méchants » (Psaume 146:7-9). Face à de
telles déclarations, que reste-t-il d’ambigu quant à notre vocation ? Le service envers ceux qui souffrent n’est pas
optionnel,
il est constitutif de notre témoignage chrétien.
Même si nous ne pouvons accomplir
des miracles comme Jésus, nous pouvons tendre la main, écouter, secourir,
accompagner. Pour une personne brisée, cela peut être perçu comme un véritable
miracle. Nous ne savons jamais à quel moment notre aide à autrui
peut constituer l’exaucement d’une prière, et, en réalité, participer à l’accomplissement
d’un miracle. Dieu n’intervient pas toujours de manière surnaturelle dans les
affaires humaines ; il lui arrive d’envoyer ses serviteurs pour être ses mains,
ses pieds, ses oreilles ou son cœur auprès de ceux qui sont dans le besoin.
Ai-je, moi aussi, parfois préféré
la sécurité de mes principes religieux à la mise en œuvre concrète de l’amour ?
Suis-je le théologien qui discute... ou le prochain qui secourt ? « Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de
celui qui était tombé au milieu des brigands ? [...] Va, et toi, fais de même » (Luc 10:36-37).
Abondantes grâces de la part
de l’Éternel !
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